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1153-0-loup-vengeur-masqueLa critique est aisée et l’art est difficile… c’est sans doute vrai, mais en ce qui concerne la chanson cela reste à vérifier.
Quiconque s’est essayé à cet exercice délicat a buté sur la difficulté de décrire la voix et la musique avec des mots. On peut à l’aide de quelques adjectifs, toujours les mêmes car ils sont peu nombreux, décrire vaguement le registre d’une voix (haute, grave, médium) et sa couleur (claire, sourde, voilée, râpeuse, etc.), mais comment rendre compte vraiment du timbre, si ça n’est en faisant appel au rapprochement avec des voix célèbres ? C’est à manier avec des pincettes tant chaque artiste est jaloux de son « originalité » et tant la subjectivité guette l’oreille du critique !
Pour ce qui est des mélodies, des harmonies et des choix d’orchestration, comment bien les décrire sans faire appel à un vocabulaire musical précis, dont les auteurs d’articles n’ont (souvent) pas la connaissance et dont la signification échapperait de toute façon à la plupart des lecteurs ? Là aussi, les outils à disposition sont assez pauvres, sauf dans le cas du recours à un genre musical « spécifique » (blues, jazzy, rock, pop etc.), mais une fois qu’on a évoqué le jazz ou le rock on n’a pas dit grand-chose. Là encore, le recours à la comparaison avec des artistes connus est nécessaire. C’est encore plus difficile quand le style musical est « flou », indéterminé. On parle alors généralement de « chanson française », ce qui ne veut pas dire grand-chose non plus. C’est bien difficile…
Dans la grande majorité des cas, le « critique » chanson s’accroche à ce qu’il peut et surtout à ce qu’il connaît. Il énumère les thèmes abordés dans les chansons, cite quelques vers qui l’ont frappé ou qui lui semblent représentatifs de l’ensemble du CD. Il est rare cependant que l’on trouve dans ces articles des renseignements sur la prosodie (qualité des rimes, métrique, types de vers, carrure du texte, etc.). C’est dommage.
Le cinéma et le cinéphile sont plus chanceux. Ils peuvent acheter des revues (Les Cahiers du cinéma, Positif) où les critiques donnent des détails sur les films : la qualité de l’image, le choix du format, la qualité de son, direct ou non, le temps et les lieux de tournage. Ils ne se bornent pas à raconter « l’histoire » comme dans les hebdomadaires culturels et de dire à la fin du compte rendu « j’aime » ou « je n’aime pas ».
La critique chanson n’a qu’une toute petite place dans la presse et il est souvent difficile de ne pas y voir autre chose que la promotion pure et simple d’artistes célèbres ou en passe de le devenir. On sait bien que le « métier » est un petit monde où règne la connivence. Les articles qu’on peut trouver dans nombre de blogs consacrés aux marges de la chanson ne sont souvent que des exercices d’admiration inconditionnelle, l’expression d’une « résistance » au showbiz et d’un soutien sans faille à un genre de chanson en péril. Peut-être même sont-ils parfois dictés par la complicité, voire l’amitié, qui unit fréquemment artistes et journalistes dans ce monde de la « marge », très petit lui aussi, où tous se connaissent. Et là aussi, point de véritables critiques, mais plutôt des chroniques, terme d’ailleurs revendiqué par les rédacteurs – nous y compris ! – conscients de leurs limites.
On pourrait imaginer qu’à l’instar des critiques gastronomiques les critiques chanson ne soient pas connus, ou reconnaissables, des artistes. Peut-être que l’on commencerait alors à y voir plus clair et à ne plus se demander si écrire des chansons n’est pas plus facile que de vouloir en parler.

LTG

11 commentaires »

  1. Un critique gastronomique peut aussi avoir mauvais goût, ou simplement un goût différent de celui du cuisinier. Et puis il y a des moments de la journée où l’on a tantôt envie d’une eau minérale, ou d’un alcool fort, d’un maki au concombre ou d’un bœuf mironton. A ces moments de la journée on peut ajouter les saisons différentes et surtout l’attente du critique : ce qu’il a envie de goûter lui à ce moment particulier de sa vie. A supposer d’ailleurs que le critique soit indépendant et qu’il n’ait pas un rédac’ chef qui décide de qui l’on doit parler et en quels termes, si c’est à la mode, si c’est vendeur, si cela va faire parler, etc. Personnellement, je trouve que n’écrire que sur ce que l’on aime est un bonne attitude, plutôt honnête. Et que passer du temps à démolir ce que l’on n’aime pas est une activité curieuse, pour ne pas dire masochiste.

    • LTG dit :

      Entre passer son temps à démolir (activité plutôt sadique que masochiste) et n’écrire que sur ce que l’on aime, il y a sans doute un point d’équilibre à trouver, le point « critique » justement. Un point de vue qui éclaire et situe, qui met en perspective. On peut aussi bien sûr considérer que tout se vaut, que la seule sensibilité personnelle, le moment et la saison importent, pourquoi pas ? On peut aussi penser que dans ce que l’on aime tout n’est pas réussi. On peut apprécier l’écriture des chansons par exemple, et avoir des réserves sur le choix ou la réalisation des arrangements, sur l’interprétation, etc. Mais si l’on préfère tout rapporter à une simple affaire de goût, dans ces conditions, bien sûr, une critique digne de ce nom ne peut pas exister. Pierre Delorme

  2. Norbert Gabriel dit :

    Dans un Chorus, il y a quelques années, un débat avec Cabrel, Goldman et Souchon (et Yves Simon ?) traitait de ce sujet : qu’attend le lecteur de la critique ? Il y avait deux points de vue opposés : Goldman qui se fiche du ressenti du « critique-chroniqueur » et qui ne souhaite que des éléments d’infos objectifs, qui fait quoi, comment… et Souchon pour qui seul le ressenti est intéressant. Entre les deux, Yves Simon… Le point d’équilibre à trouver, c’est d’abord l’honnêteté, ensuite, si je n’ai pas aimé tel spectacle, tel jour, d’un artiste que je découvre, j’attendrai de le revoir éventuellement, c’est peut-être moi qui n’étais pas bon ce soir-là … Mais si c’est quelqu’un que je connais, il y a un devoir d’honnêteté envers l’artiste, selon les cas, je lui réserve mon point de vue en privé, ou je mets un bémol « en public »… Et parfois l’artiste le prend bien, ce bémol… Mais démolir systématiquement, genre « billet dur », non merci.

    • LTG dit :

      C’est un point de vue, mais selon le mien le problème qui se pose le plus souvent dans ce domaine n’est pas celui de l’honnêteté, mais simplement celui de la compétence (notamment musicale). Aimer la chanson, et avoir sa seule sensibilité, voire sa passion, pour boussole, donne généralement des articles sympathiques mais sans grand relief, où l’on n’apprend pas grand-chose. C’est vrai pour les « critiques » de CD comme pour celles des spectacles, où je lis rarement des notes concernant l’utilisation des lumières, de l’espace, la gestuelle, etc., mais où je retrouve plus sûrement les mêmes sempiternelles paraphrases des chansons entendues. Pierre Delorme

  3. giacometti dit :

    Moi, personnellement, un des plus grands bonheurs de mon existence aura certainement été de dire « je t’aime » aux gens que j’aime. Il me sera finalement beaucoup plus rarement arrivé, et c’est tant mieux, de dire « toi, je ne t’aime pas ! » aux gens que je n’aime pas. On pourrait envisager de faire pareil pour les chansons, non ?

    • LTG dit :

      Pourquoi la critique dans le domaine de la chanson devrait-elle être réduite à j’aime ou je n’aime pas ? Pourquoi n’aurait-elle pas droit à autre chose ? A des analyses, des réflexions qui s’appuieraient sur une bonne connaissance du répertoire, de son histoire, et une connaissance, au moins partielle, des aspects théorique et technique de la musique, voire de la prosodie ? Pourquoi devrait-elle être toujours vouée à son actualité immédiate et aux réactions « épidermiques » de ceux qui veulent écrire à son sujet, avec leur seul « ressenti » pour bagage ? Je crois que si l’on s’intéresse de près à la chanson et qu’on l’aime, on ne peut que souhaiter l’apparition d’une véritable critique. Pierre Delorme

  4. Je maintiens mon qualificatif : il est masochiste de passer du temps sur quelque chose que l’on n’aime pas (si l’on n’y est pas obligé). Et s’il s’agit de faire connaître, on le fait mieux quand on aime. J’apprécie la critique lorsqu’elle se situe dans une perspective historique, socio-économique, qu’elle dégage des courants, des écoles, des esthétiques, et qu’elle laisse chacun libre d’aimer ce qu’il veut, voire de changer d’avis.

    • LTG dit :

      Je crois, mon cher Gilbert, que nous apprécions la même chose, mais reconnaissons que ce type de critique est assez rare, qu’il s’agisse de la chanson du bizness ou de celle des marges. Pierre Delorme

  5. Chris Land dit :

    Bien d’accord avec Gilbert.
    Et pour renchérir, il me semblerait fastidieux pour le plus grand nombre, sauf à être spécialiste pointu de son ou/et de lumière, de musique, etc., d’avoir à connaître les détails de fabrication (là où le diable se cache, dit-on…). Comme si toutes les esquisses, redites, ratés, ratures, déchirures, boules de papier à la corbeille ne devaient pas rester dans l’atelier du peintre. Il nous donne à voir (entendre) le résultat de cette « chimie interne » qui n’éclaire pas plus le plaisir ou le rejet que les quelques mots à notre disposition. Il me semble.

    • LTG dit :

      Personne ne parle de faire connaître les détails de fabrication, il s’agit simplement de savoir bien décrire ce qu’on voit et ce qu’on entend, pour mieux en rendre compte. Cela dit, on est libre de vouloir rester dans la simple « chimie » ou « alchimie » des chansons, libre de refuser de réfléchir sur le plaisir qu’on éprouve ou non à leur écoute, et de s’interroger sur l’objet même de ce plaisir. Comme on est libre de rester ignorant, et simplement se délecter. C’est l’éternel problème, ceux qui « aiment » l’art considèrent comme un outrage toute tentative d’analyse historique ou sociologique des œuvres, ils voient ça comme une atteinte à leur sacro-sainte sensibilité, indicible et indépassable. Tant pis pour eux, se documenter et réfléchir sur les œuvres (la chanson y compris) permet de mieux les comprendre, les apprécier, les goûter et éventuellement cesser de prendre des vessies pour des lanternes. Certains sociologues ont écrit cela bien mieux que moi, encore faut-il les lire, cela demande un effort intellectuel et c’est vrai qu’on peut préférer simplement rêver en écoutant des chansons. Pierre Delorme

  6. LTG dit :

    Moi je pense qu’un des maux de la chanson, c’est justement ce manque de critiques négatives.
    Le débat doit s’installer, on aime ou on n’aime pas, on dit pourquoi, on donne son avis et c’est aussi ça qui rend un art vivant et intéressant.
    Car lorsqu’on ne choisit de n’écrire que des critiques positives, compte tenu de la diversité de la presse (il y a toujours quelqu’un pour apprécier un CD, aussi nul qu’il soit), tout sera aplani, mis au même niveau. Ça n’offre plus d’intérêt. André Coatleven

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