Sur mon Teppaz, j’ai écouté Jolie Môme par l’orchestre des Champs-Elysées dirigé par Hubert Rostaing. A son entrée chez Barclay, Léo Ferré est fortement encouragé à creuser davantage le sillon populaire. L’artiste obtempère et frappe d’emblée un grand coup avec Jolie Môme. Si l’on associe volontiers ce titre au nom de Juliette Gréco, il semble que cette interprète n’ait pas été le premier choix de l’auteur-compositeur. Soucieux de donner toutes les chances à sa création, « Léo Ferré, pour son premier opus sur Barclay, alla demander le renfort de deux vedettes de la chanson, il fallait qu’elles soient populaires tout en étant de qualité, ce furent Catherine Sauvage et Jean-Paul Mauric (La partition originale en fait foi), Jean-Paul ouvrait ainsi les portes de Radio Luxembourg au grand Léo (1) ». Si Catherine Sauvage a bien reçu l’onction germanopratine, c’est loin d’être le cas pour l’interprète masculin. Jean-Paul Mauric (dont on reparlera ici l’un de ces quatre dimanches), avec des ritournelles comme Printemps, avril carillonne, Les Fiancés d’Auvergne ou Chapeau rodéo, faisait les belles soirées de music-hall ou de fête au village.
L’autre signe de la profonde popularité de cette même chanson de Léo Ferré, il est dans sa présence sur ce 33-tours 17 cm qui réunit huit morceaux gravés serré (comme on dirait d’un livre qu’il est « écrit petit »), sous le titre Dansons à Cannes et dans la série « Gala des variétés », par la maison Vargal. Une étiquette de disques pas chers, qu’on achetait au Monoprix ou à un étal du marché hebdomadaire.
Il y en avait d’autres : Tiercé Panorama, Saphir, Parade. On y trouvait les succès du jour repris par des interprètes inconnus. Certains, comme Charles Level, feront une petite carrière personnelle après ce genre de débuts ingrats, mais Roger Normand, qui chante ici Jolie Môme, n’est pas passé à la postérité. Hubert Rostaing, en revanche, qui a laissé pour l’occasion sa clarinette et son saxophone pour la baguette de chef d’orchestre, a joué avec des pointures telles que Kenny Clarke, Martial Solal ou Django Reinhardt. D’où l’ambiance jazz qui habille les mélodies… variées : deux musiques de film (Aimez-vous Brahms ?, Exodus), un grand prix Eurovision de la chanson (Nous les amoureux), un rock importé d’Italie
(24 000 baisers), un cha cha cha… et Jolie Môme, donc. Comme quoi, Ferré, ça se danse. J’en vois d’ici qui se grattent la tête en se demandant sur quel pied.
René Troin
(1) Source : http://jean-paul-mauric.monsite-orange.fr
L’orchestre des Champs-Elysées dirigé par Hubert Rostaing, Jolie môme, 1961.
Oui, on peut danser. Il existe d’ailleurs un disque Surpat’ chez Léo Ferré, par Jean Cardon, son accordéoniste (le fameux « Mister Georgina »). Bravo pour la trouvaille. Enfin un enregistrement que nous n’avons pas. En écoutant bien, on s’aperçoit qu’il manque les couplets les plus sulfureux : « T’as qu’une touffe au milieu qu’éclabousse du bon dieu […] »
Euh… Ivan, c’est plutôt : « T’as qu’une source au milieu […] »
Oui, bien sûr. Mais où donc avais-je la tête ?