Nous vivons des temps héroïques où c’est tout de suite l’aventure. Prenez les candidats
d’Un dîner presque parfait (1), dont la mission consiste à cuisiner un repas pour cinq, sans sortir de chez eux – sauf si c’est trop petit, chez eux, auquel cas ils empruntent l’appart’ d’une copine ou celui des parents –, eh bien ils n’ont que ce mot d’« aventure » à la bouche. Nous vivons une époque épique où les mythes – censés résister à la quête la plus opiniâtre –
se rendent au bout de deux clics sur internet. Tapez « film mythique de » dans la fenêtre du moteur de recherche dominant. Vous verrez apparaître, parmi les premiers titres, Le Bon, la brute et le truand de Sergio Leone, Les Barbouzes de Georges Lautner et Lawrence d’Arabie de David Lean. Soit du vu au cinéma, revu à la télé et rerevu en DVD.
Il n’en va pas de même pour Les Encerclés de Christian Gion. Voilà un film mythique. Il a marqué l’édition 1968 du Festival international du jeune cinéma de Hyères (Var). Il faut dire que son thème – le malaise étudiant – était dans l’air de l’année, voire prémonitoire – le tournage remontant à 1967. Depuis, on ne l’a jamais revu. Et nous ne devons pas être bien nombreux à en garder le souvenir : Allociné.fr et IMDb.com ignorent sa date de sortie, et bifi.fr mentionne le 12 juin 1968. Si sortie il y a eu, elle a dû être parisienne et limitée à quelques salles. Pourtant, si l’on a eu la chance d’assister à l’une des rares projections des Encerclés, il y a une séquence qu’on n’a pas pu oublier : Brigitte Fontaine et Jacques Higelin chantant, tout en tournant dans un champ de blé… Mais, au fait, était-ce du blé ou de l’herbe ? Et n’était-ce pas plutôt la caméra qui tournait autour des deux comédiens ? Les images mythiques sont incertaines, et ont peut-être intérêt à le demeurer, Christian Gion se montrant un réalisateur sympathique dont l’œuvre voyage entre la gentille comédie (Le Pion) et la poilade à la française (Les Diplômés du dernier rang). Cela dit, on lui doit d’avoir entendu pour la première fois Cet enfant que je t’avais fait. La chanson que se renvoyaient Fontaine et Higelin en tournant dans les blés ci-dessus. Ou dans l’herbe.
René Troin
(1) Emission de M6.
Brigitte Fontaine et Jacques Higelin, à Discorama, le 30 mars 1970.
Merveille ! Quels talents ! Je connaissais la version enregistrée chez Barouh mais celle-ci est vraiment inventive et surprenante comme à l’origine.
Et aussi l’intelligence et la finesse de Denise Glaser qui, malheureusement, nous manque cruellement (pour Floréal)…
C’est vrai Chris, mais elle irait sur 94 ans et aurait sûrement disparu de nos écrans, encore que Jean Nohain, Michel Drucker… Enfin, ne nous plaignons pas, nous avons Arthur, Hanouna, Ruquier.