Sur mon Teppaz, j’ai écouté Garde-moi la dernière danse par Danielle Darrieux. Encore une comédienne qui chante ? C’est ce que je croyais aussi avant de lire les propos de Paul Vecchiali recueillis par Denis Dahon et Jérôme Reybaud pour la revue en ligne lalalala. Le cinéaste connaît la chanson. A le lire, on comprend que Danielle Darrieux est aussi une chanteuse qui joue la comédie : « […] elle a le sens de la mélodie, le sens du mot, elle est d’abord d’une diction absolument impeccable […]. Je pense qu’elle a l’oreille absolue, elle dit que non. Tout de suite elle attrape le truc, dans la seconde même et je dois dire qu’un des moments des plus importants de ma vie c’est quand elle a chanté En haut des marches (1) pour le générique. »
La discographie de Danielle Darrieux, récompensée par un Grand Prix du Disque en 1960, étaye ces propos.
A une époque où plusieurs interprètes se partageaient un même titre, elle a enregistré Petite Fleur, Ballade irlandaise ou Le Temps du muguet, qu’on a respectivement davantage entendus par Henri Salvador, Bourvil et Francis Lemarque. Sa version de l’adaptation française de Save the Last Dance For Me, un standard du duo de bons faiseurs que formaient Doc Pomus et Mort Shuman, a connu le même sort : Maya Casabianca – bien oubliée – et Dalida – inoubliable (2) – raflent la mise avec leurs versions saupoudrées de cha-cha-cha.
Une écoute attentive des trois enregistrements montrent que si les deux premières interprètes ont respecté les paroles d’André Salvet et François Llenas, Danielle Darrieux a, pour sa part, pris quelques libertés : « Qui m’ conduiras ce soir chez moi » devient « Qui m’accompagneras chez moi » ; « Veut que tu l’accompagnes jusqu’à la maison » se transforme en « Cherche à t’entraîner jusqu’à sa maison »… En 1976, c’est au tour de Mort Shuman, venu faire une carrière de chanteur en France, de reprendre légèrement le texte pour se tricoter une version masculine : « Dans les bras de celles que tu entraînes au loin » tourne alors à « dans les bras de ceux qui t’entraînent au loin »… Enfin, en 1988, Boris Bergman écrira Danse avant de tomber, très loin des paroles originales, pour Carole Laure. Une autre comédienne qui chante et chanteuse qui joue la comédie.
René Troin
(1) Long-métrage de 1983. Paul Vecchiali a fait chanter d’autres comédiennes au fil de ses films : Hélène Surgère dans Femmes femmes (1974), Marianne Basler dans Rosa la rose, fille publique (1986)…
(2) Ne ruez pas dans les commentaires, comme d’autres dans les brancards : cet adjectif constitue un private joke à l’usage exclusif de Marie-Françoise – celle-là même qui « rêve de chansons ».
Danielle Darrieux, Garde-moi la dernière danse (paroles et musique originales :
Doc Pomus et Mort Shuman – paroles françaises : André Salvet et François Llenas), 1961.