Plusieurs lecteurs de Crapauds et Rossignols s’offusquent régulièrement, du côté des commentaires, du fait qu’il est quasiment impossible aujourd’hui d’entendre une chanson décente à des heures chrétiennes (les athées et les agnostiques nous pardonneront ce terme commode) sur une station radiophonique du service public. Ils ont raison et nous partageons leur juste et essentielle indignation, bien sûr, mais en même temps nous aimerions les inviter à réfléchir au fait qu’ils regardent peut-être le problème par le petit coin de l’Hexagone. Or la France est lointaine. Ont-ils songé à déménager à Saint-Pierre-et-Miquelon ? Les résidents de ce sympathique – bien qu’un peu austère – « territoire français en Amérique » profitent non seulement de chaleurs estivales on ne peut plus raisonnables, mais aussi et surtout du direct de l’excellent programme de Laurent Valéro (ou Valero, même sur la page dédiée à l’animateur sur le site de France Musique, ils hésitent sur l’accent ou pas), Des nuits noires de monde, à 20 heures, soit à l’heure de l’apéro (un rituel qui parle sans doute davantage à nombre d’entre nous que les prières et offices auxquels sont soumises les couventines).
Et s’il n’y suffit pas, il reste le vaste monde. Sachez qu’à Adélaïde (Australie), c’est à 7 h 30 que les descendants de Jean de Bordeaux, François de Nantes, Laurent le gars du Canigou, Pierre le Normand et Joël de la Charente* entendent sortir du poste, en même temps que le café couler de la machine, la voix de Laurent Valero (ou Valéro – voir plus haut).
Sinon, pour les oiseaux de jour et indécrottables casaniers réunis, il y a La prochaine fois, je vous le chanterai, de Philippe Meyer qui, Dieu merci, met rarement à exécution la menace contenue dans le titre de son émission. En revanche, au bout de trois cent vingt-sept samedis (la punition se contentant d’être hebdomadaire), et donc de la trois cent vingt-septième audition de la formule : « […] deux versions, à nos oreilles également aimââââbles, […] », on peut être saisi d’une légère envie de tirer dans la tronche à tout ce qui pontifie. Ou de s’exiler à Saint-Pierre-et-Miquelon, voire à Adélaïde.
René Troin
P. S. Evidemment, il y a le podcast qui permet d’écouter où, quand et autant de fois qu’on veut (ou presque : sur les sites de Radio France, les émissions sont disponibles pendant plus de deux ans). Trop facile ! Le podcast, c’est un vrai tue-l’amour de la chanson française de qualité (CFQ)…
* Allusion aux personnages cités par Jacques Debronckart dans les premier et troisième couplets d’Adelaïde.
Pourquoi ne pas citer, à Saint-Pierre-et-Miquelon également, l’émission de Patrick Boez, Jambon-Beurre, diffusée le samedi à 13 heures (heure locale), ce qui fait 17 heures en France métropolitaine ?
Je dois en être (des auditeurs évoqués dans les premières lignes). C’est pas pour couiner que c’était mieux avant, surtout quand j’étais plus jeune, mais quand je fais un retour sur les années 60-70-80, il y avait beaucoup plus de chansons dans les radios (et les autoradios) aux heures chrétiennes de la messe et des vêpres. Donc plus de variété dans les généralistes. Il y a encore des chansons dans la journée, qui ne me font pas hurler à la mort, de la bonne chanson, mais l’équilibre s’est rompu avec la disparition des quotidiennes de Foulquier, du Pop Club, de Sous les étoiles, où il y avait une alternative entre les produits « industriels » et les artistes-artisans de la chanson. C’est à la radio, je ne sais plus à quelle heure, que j’ai entendu la première fois la Supplique… de Brassens. Je me demande s’il y a un seul radioteur qui passerait en 2014 une chanson de sept minutes en guitare-voix… Et là, c’était un peu mieux avant.
Mon cher Norbert,
Je me demande, à vous lire, si vous ne seriez pas, en quelque sorte, le Finkielkraut de la chanson française de qualité ?
Pierre Delorme
Il existe une station qui a pour nom Radio Nostalgie, Norbert. Mais vous allez nous dire qu’elle n’est plus ce qu’elle était…
Floréal
Radio Nostalgie… Hum… à condition de ne pas l’écouter trop fréquemment parce que alors, on se lasse vite d’entendre toujours les mêmes chansons des mêmes chanteurs…
Tout bien considéré, je préfère le podcast au climat de Saint-Pierre-et-Miquelon… mais on peut aussi rêver au retour de Levaillant et ses nuits étoilées ! A noter que Pascale Clark vient de recevoir Dick Annegarn et Miossec, même si ce ne sont pas de jeunes premiers, ils n’inondent pas les émissions de télé ! Ça change un peu ! Bientôt Eric Frasiak chez Clark ?
Et personne ne parle des émissions de Marlène et autres sur Radio Libertaire ? Et j’y pense en tapant sur mon clavier, Radio Caraïbes Nancy, le vendredi de 13 à 14 heures ?
Dans cet éditorial, il était question de radios du service public et de certains de leurs auditeurs, amateurs de chanson. Nous avons déjà dit, par ailleurs, tout le bien que nous pensions des émissions chanson programmées par des radios associatives, et souligné que, grâce à internet et au podcast, on pouvait écouter la plupart de ces émissions (en direct ou à l’heure de son choix) partout dans le monde.
Excusez-moi, mais c’est qui ce Debronckart dont vous parlez ? On ne l’entend jamais à la radio sauf chez Radio libertaire et autres marginaux !
Sans doute est-il obsolète ? (pourtant, quoi de plus actuel que son J’suis heureux qui n’a hélas pas pris une ride, bien qu’écrit en 1969 !).
Quant à Philippe Meyer, il s’obstine à nous passer ces comédiens-français qui massacrent des classiques de la chanson ! Est-ce que je récite Molière, moi ?