C’était en 1964. Il y avait ce 45-tours. Dessus : Quinze ans – nous n’en avions que douze, c’était encore loin. Ch’nord aussi, c’était loin d’Hyères (Var) – et l’air trop plein de valse et d’accordéon pour nos oreilles électriques. L’Oncle Sam sonnait plus familier – John Littleton et John William nous avaient initiés au negro-spiritual. Mais c’est Avec les Juifs qui nous clouait. Comment oublier ce couplet : « Mais il me vient une question / Avant que s’achève le drame / Qu’un peu plus de six millions d’âmes / Posent à la civilisation / Quand on nous prenait par wagons / Pour nous conduire à nos bourreaux / Que faisiez-vous tas de salauds / L’amour était-il en prison ? » Et ce refrain : « Avec les Juifs / Ils font du suif. » Et celui qui chantait. Pierre Selos. Et l’endroit où nous l’avons entendu pour la première fois : l’aumônerie du lycée Jean-Aicard. Nous y courions, l’hiver surtout, après les cours, attendre l’heure du car qui nous ramènerait dans notre village. Après Jean Ferrat, avec Nuit et Brouillard, Pierre Selos aura été notre deuxième professeur sur un chapitre que les programmes d’histoire ignoraient et que nos parents – souvent – préféraient… oublier.
René Troin
Vous avez visité mes « collectors » albums ? Cette chanson de Pierre Selos, et en particulier l’extrait cité, reste un Leitmotiv permanent depuis 1964, quand il est question d’un engagement, ou de la façon qu’ont certains de regarder ailleurs dans certaines circonstances ; et au bénéfice, ou au détriment de l’âge, j’avais aussi 12 ans quand j’ai vu John William à Riom, mais c’était en 1954 ou 55… Avec cette chanson Je suis un nègre… et quelques negro-spirituals….
« Après Jean Ferrat, avec Nuit et Brouillard, Pierre Selos aura été notre deuxième professeur sur un chapitre que les programmes d’histoire ignoraient et que nos parents – souvent – préféraient… oublier. »
C’est exactement ça… et, à l’époque, des radios ont passé ces chansons, je me demande si ça passerait aujourd’hui… (à une heure diurne).
C’est aussi l’époque où Fanon et quelques autres chantaient La Petite Juive…
Après ce disque, puis un ou deux 33 T toujours chez Philips, avec cette chanson ainsi que 15 ans et Je suis foutu Marie (sic), Melo, Valse de l’hiver, Pierre Selos a eu un temps de silence, puis a pris une autre route avec un modeste mais courageux producteur, Roger Auffrand, qui a aussi produit des artistes dits marginaux sous le label « L’Oiseau Bleu ». Là, Roger Auffrand produit plusieurs 33 T, notamment un sur la condition de jeunes enfants et des adolescents en difficulté, avec leur contribution, notamment par leurs témoignages et par leur interprétation dans des chansons écrites et composées par Pierre Sélos. Il produit ensuite des disques de Sélos lui-même, ainsi qu’un 33 T de Pierre Selos chantant avec le jeune Laurent Terrisse (les parents refusent que ce dernier utilise son nom, il chante sous le pseudo d’Elté) 33 T toujours sur les problèmes de l’adolescence.
Roger Auffrand a disparu de mon espace vers 1972 sans que je ne réussisse un jour, malgré mes tentatives, à le retrouver.
Quant au patriarche Pierre Selos, dont on raconte qu’il était ancien séminariste, ayant changé de voie par désir de liberté et d’intégrité, il écrit et compose toujours. Son meilleur ami, Georges Salard véhicule son œuvre et le chante toujours sur scène. A noter que Francesca Solleville a chanté et enregistré la chanson de Pierre Selos Vent d’Amérique.
Pour ma part la chanson que je préfère de lui est L’Armateur, chanson enregistrée sur le 33 T du même titre (Productions Roger Auffrand-L’Oiseau Bleu).
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