Sur mon Teppaz, j’ai écouté Le Plombier mélomane par Le Quartet de Lyon. Arrivés en 1968, ils sont parmi les derniers représentants d’une vaguelette de duos et de groupes à guitare et harmonies vocales qui, dès 1963, se sont engouffrés dans la brèche ouverte par Hugues Aufray et son Skiffle Group : Les Missiles, Les Bab’s, J.J. & Beb, Line et Willy, Les Troubadours… Si les derniers cités s’inspiraient sans vergogne de Peter, Paul and Mary (en s’y mettant à quatre !), les membres du Quartet de Lyon lorgnaient simultanément du côté du Kingston Trio et du Golden Gate Quartet – une influence immédiatement audible sur Malbrough (1968), leur premier succès. Le signe particulier du groupe, c’était la voix de basse de Jean de Saint-Etienne. Elle atteignait des profondeurs à faire passer Jacques Yvart, des Bab’s, pour un baryton martin (1). Ecoutez-la sur le refrain de Pierre et Sarah (1969). Ce faux slow de l’été, adaptation par Boris Bergmann du Mrs. Mother U.S.A. d’Andre Williams, raconte l’histoire de deux jeunes gens qui « s’aimaient bien » et « rêvaient, qu’un beau matin, ils iraient en Amérique » jusqu’à ce que la guerre vienne les séparer et fasse basculer la chanson dans une autre dimension :
« Pierre ne sut jamais que Sarah était là-bas d’où l’on ne revient pas. »
Le troisième titre phare du Quartet de Lyon, c’est Ringo (1970), une autre adaptation, par Philippe Labro celle-là, du Ringo Gun de Juan Pardo :
« Voici l’histoire du plus sanglant chasseur de primes qui ait jamais vécu dans l’ouest de l’Amérique. Il ne parlait qu’avec ses colts. […] Dans son univers de flammes, de cadavres et de chiens / Il se souvenait d’une femme / Qui lui avait promis sa main. » En 1985,
Tom Novembre, autre récitant à la voix caverneuse, s’est peut-être souvenu de ce western sans images, au moment de faire le portrait de Djimbo : « […] Cet homme était condamné à mort par tous ceux qui avaient juré / De l’abattre, mais son instinct de félin, sa ruse coyote et / Son arme à six coups faisaient la loi. […] Djimbo, car c’était lui, gardait pourtant au fond de son être / Le plus profond, la douceur d’un amour sans aucun espoir. »
Reléguée en deuxième position d’une deuxième face de 45-tours, Le Plombier mélomane, à l’instar de son héros recalé aux portes de la gloire (« On voulut en faire une idole / Mais bien vite on comprit / Que c’était là une idée folle »), n’a pas fait un tube. Mais sa mélodie est basée sur le Canon de Pachelbel – comme Rain and Tears d’Aphrodite’s Child, La Maladie d’amour de Michel Sardou, La Chanson de Casimir de « L’Ile aux enfants »… Alors, refilez le tuyau à ceux qui collectionnent ces chansons-là.
René Troin
(1) J’exagère un peu, bien sûr. Pour entendre Jacques Yvart, cliquez sur « Voix grave et costume gris » (même rubrique).
Le Quartet de Lyon, Le Plombier mélomane (paroles et musique : Guy Buffet), 1969.
Et La Crucifixion, c’était pas un grand moment ? A part ça, en lisant un peu vite j’ai lu « baryton marin » pour Jacques Yvart… c’est pas tout à fait faux.