Les spectacles consacrés à Allain Leprest se suivent mais ne se ressemblent pas forcément*. Je hais les gosses ! que propose le groupe Entre 2 Caisses, se distingue de certains autres en ceci qu’il ressuscite nombre de chansons peu ou pas connues de l’auteur au prénom ailé, qu’il ne verse pas dans l’idolâtrie larmoyante, et qu’au contraire la mise en scène de Juliette et la prestation des quatre gars** du groupe le tirent très nettement vers la drôlerie.
L’idée centrale est d’avoir situé l’action dans un avenir lointain et transformé tour à tour les quatre artistes en guides facétieux d’un musée du Passé destiné à faire découvrir aux visiteurs – le public –, à travers de courts textes de présentation humoristiques, et bien sûr l’interprétation des chansons de Leprest, ce qu’était une journée dans la vie des gens d’une banlieue parisienne autour de l’année 2000 ou, plus exactement, entre 1954 et 2011, années qui virent naître et mourir celui qu’on chante ici. Triste période où il fallait se lever le matin pour « gagner sa vie », où il y avait des pauvres, certains d’entre eux couchant même dans la rue, où hommes et femmes étaient théoriquement égaux mais les uns peut-être plus égaux que les autres, comme on dit…
Côté chansons, si quelques-unes des « classiques » sont bien au programme, comme SDF ou C’est peut-être, on peut supposer que nombre de spectateurs (re)découvriront avec plaisir la plupart de celles proposées ici. Car A l’assaut de l’île, Etrangement, Nord-Sud, L’Homme à la pie, Adieu les hirondelles, Café-Cocu ou encore C’est drôle sont bien oubliées et ne figurent que très rarement parmi celles que s’approprient les « repreneurs » de Leprest.
Côté mise en scène, les déplacements sont réglés comme il se doit pour un spectacle consacré à la chanson, comme du papier à musique (même si le 25 janvier à l’Européen, à Paris, quelques problèmes de son – hélas pas rares dans cette salle – ont quelque peu perturbé la séance). Le talent de multi-instrumentiste de presque tous les quatre garçons (guitare, accordéon, saxo, clarinette, contrebasse et dulcimer à marteaux) ajoute de la dynamique et quelques notes sympathiques à ce spectacle enjoué, entrecoupé à intervalles réguliers par les quatre couplets du Père La Pouille, chanson pour laquelle chacun des artistes (ça tombe bien, ils sont quatre !) endosse l’habit de celui qui gueule « Lapin peaux, peaux d´lapin, peaux ! » dans la chanson de Leprest.
Ce spectacle, même s’il s’adresse bien sûr à tout le monde, est en principe destiné à séduire plus particulièrement un jeune public. A l’Européen, ce jour-là, c’est en vain qu’on l’aurait cherché. C’est dommage, car c’est d’abord une belle réussite susceptible de lui plaire, et puis ça nous aurait aidé nous aussi, comme les garçons sur la scène, à remonter le temps.
Floréal Melgar
* Lire « Au plus près de Leprest » (rubrique « DVD, CD, Scènes »).
** Dominique Bouchery, Bruno Martins, Jean-Michel Mouron et Gilles Raymond.
Le grand et séduisant mérite qu’ont eu les quatre garçons dans le vent des ailes et du souffle de Leprest est précisément d’avoir transformé nombre de textes d’Allain en chansons et de les avoir portées, à bout de leur talent, devant un large public.
Tout bon, monsieur Melgar !
Lors de leur résidence au théâtre d’Ivry, où ce spectacle a été mis au point, leur travail en direction des enfants a été largement récompensé par une adhésion enthousiaste de ces derniers…
J’ai pour l’instant le disque… J’attends le spectacle ! mais à propos de Allain Leprest, c’est ce disque que je préfère ! gros coup de cœur réjouissant !