Il fut un temps où, quand on allait voir une comédie musicale au cinéma (sauf à habiter Paris, ou une autre très grande ville, où quelques salles programmaient des VO), même les chansons étaient traduites en français. Parfois même, d’un rôle à l’autre, la comédienne sur l’écran n’avait pas la même voix dans la langue de chez nous. Ainsi Eliane Thibault, qui avait doublé Julie Andrews pour Mary Poppins, dut céder le micro à Mathé Altéry pour La Mélodie du bonheur à cause d’une brouille entre gens de cinéma(1). Quelques années plus tard, la télévision, qui savait tenir sa place dans cet univers impitoyable, nous gratifia d’une version française du martial générique de la série Dallas. Mais le temps, qui fait beaucoup pour les affaires, a passé. Et la voix du plus fort a changé de camp. Désormais, à la télévision, la plupart des génériques de séries made in France chantent en anglais. Et pas toujours des plus riches, pour peu qu’ils soient « parolés » par des Français. Mais si l’on veut exporter ses « produits culturels », n’est-ce-pas… Et le cinéma ? Il n’est pas en reste. Il peut même, pour être sûr de frapper juste et fort, sans demander trop d’effort aux spectateurs, leur refourguer un air qui a déjà servi. Knockin’ On Heaven’s Door, par exemple. Cette ballade, qui est aussi le thème de Pat Garrett & Billy the Kid de Sam Peckinpah, accompagne le retour aux Sables-d’Olonne du héros d’En solitaire de Christophe Offenstein. Pourtant, même sans beaucoup d’imagination, pour ponctuer en chanson cette histoire d’un coureur d’océans et de son passager clandestin, on aurait pu se tourner vers un bourlingueur des scènes, genre Bernard Lavilliers. Non ?
René Troin
(1) Eliane Thibault revient sur cet épisode de sa vie professionnelle dans une interview à Dans l’ombre des studios, un blog passionnant consacré au doublage.