Dans le cadre du Festival Lumière,
qui s’est déroulé du 14 au 20 octobre dernier à l’Institut Lumière et dans une trentaine de salles du Grand Lyon, un hommage était rendu au réalisateur américain Hal Ashby (1929-1988).
J’ai revu son film Bound for glory
(En route pour la gloire, 1976) tiré du livre (éponyme) autobiographique de Woody Guthrie (1912-1967), le légendaire chanteur protestataire (protest singer) américain.
Le film retrace la naissance de la vocation de cet artiste libre et révolté, pendant les années 30, celles de la Grande Dépression aux États-Unis. L’exode vers la Californie de ceux qui n’avaient plus rien, toile de fond de ce récit, est évoqué avec force, comme dans le film de John Ford Les Raisins de la colère (Grapes of Wrath, 1940), lui-même tiré du roman célèbre de John Steinbeck.
Woody Guthrie, lui aussi, s’exilera vers la Californie, un long voyage fait de rencontres sur les routes et dans les wagons des trains de marchandises pris à la volée au péril de sa vie. Il y côtoiera la foule de ceux qui n’ont plus rien, de ces « migrants » de l’intérieur chassés de chez eux par la misère, et harcelés par des vigiles à la solde de ceux qui ont tout.
De la misère et de son cortège d’injustices, naîtra la vocation de Woody Guthrie : chanter pour les pauvres gens, ses frères de misère, les inciter par ses chansons à s’organiser et à rejoindre les syndicats (unions) pour revendiquer leurs droits.
Sur sa guitare, il écrira cette phrase devenue célèbre : « This machine kills fascists » (« Cette machine tue les fascistes »).
Cette biographie semble se tenir en équilibre entre la légende et la réalité, mais comme il est dit dans un autre film de John Ford (L’homme qui tua Liberty Valance) : « On est dans l’Ouest, ici. Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende » (This is the West, sir. When the legend becomes fact, print the legend).
Ce goût pour la légende on le retrouvera un peu plus tard, chez le jeune Robert Zimmerman (le futur Bob Dylan), né en 1941, qui, fasciné par les chansons et la vie de Woody Guthrie, s’inventera de toutes pièces un passé de hobo (un sans-domicile-fixe) et peaufinera un personnage de protest singer, calqué sur celui de son idole. Mais ça, c’est une autre histoire…
Pierre Delorme
En route pour la gloire, un film de Hal Ashy, avec David Carradine, Ronny Cox, Melinda Dillon…, 1 DVD MGM/United Artists, 2003.
This Land Is Your Land (paroles de Woody Guthrie sur une musique préexistante). A écouter en regardant des images d’archives montrant un Woody Guthrie que le temps, qui fait vieillir aussi la pellicule, a réduit à l’état de quasi-fantôme.