Discipline artistique la plus équitablement partagée, la chanson a fait l’objet d’innombrables réflexions, commentaires, souvenirs. On en trouve dans des romans, des Mémoires, des entretiens.
Jean-Pierre Beal, créateur et toujours animateur du Festival Grange, en Champagne, et Jacques Perciot, conférencier sur la chanson, ont eu la bonne idée d’opérer une sélection de quelques-uns de ces textes et de les réunir dans un agréable petit recueil (1).
On s’amusera de la vision cocassement biblique avec laquelle Jean Nohain et Claude Duneton racontent la naissance de cet art, avec, pour l’un, Adam et ses Pom, pom, pom, pom !, et, pour l’autre, une vision toute particulière de la Genèse. La palme de l’humour reviendra toutefois à Alphonse Allais brossant le portrait d’un faiseur de chansons après que la création de la Sacem, en 1850, eut permis de transformer en métier cet agréable passe-temps.
Romain Rolland, le condescendant Marcel Proust, Zola, George Sand, Céline, Rousseau, Maupassant, Annie Ernaux, Colette, d’autres encore, sont les invités de ce florilège qui nous dit le plus souvent l’omniprésence et l’importance de la chanson au sein du peuple, parmi cette foule de gens qu’on dit simples. Qu’elle permette de « rester à table plus longtemps » lorsqu’on chante au dessert, selon Charles-Paul de Kock, ou qu’elle vienne en aide à des hommes, dans des circonstances dramatiques et des moments de communion rares, comme l’évoque, entre autres, le texte émouvant de Robert Antelme, la chanson reçoit ici l’hommage mérité de la littérature.
Quelques grands anciens se voient distingués, Trenet, Brassens « à la voix en forme de drapeau noir » (René Fallet), Brel, et une Edith Piaf qui fera grande impression à une jeune fille appelée à devenir Barbara, laquelle raconte ce souvenir dans un texte sans manières.
Bel ouvrage, donc, que ce Goût de la chanson où l’on croise même Victor Hugo qui, dit-on, ne souhaitait pas qu’on dépose de la musique au pied de ses vers, et dont on retrouve le Gavroche chantant et mourant des Misérables avec la même émotion.
Il faut remercier ici Jean-Pierre Beal et Jacques Perciot, qu’on croit plutôt portés sur la « chanson à texte », d’avoir su faire un choix dépassant largement ce seul créneau, pour s’ouvrir à un art tout entier, qu’il soit de pure distraction ou d’ardente revendication. Sans doute ont-ils été touchés par cette affirmation de Boris Vian, qui donne à la chanson « une place considérable dans la culture de l’homme inculte », ce qui, à ce titre, « mérite bien votre attention ».
Floréal Melgar
(1) Jean-Pierre Beal et Jacques Perciot (Textes choisis et présentés par), Le Goût de la chanson, Mercure de France, 2013.
J’aime bien cette collection « Le goût de… », mais elle me laisse toujours un arrière-goût…
Celui-ci ne fait pas exception.
Des nombreux ouvrages qui existent sur la chanson, il en existe trois qui sont majeurs selon moi :
– Écrire une chanson, de Robert Léger (membre du groupe québécois Beau Dommage, maintenant professeur dans une école de chanson…), une sorte de guide avec des touches d’humour ;
– La sagesse du faiseur de chanson, de Moustaki, une belle réflexion ;
– et peut-être le plus beau, un court essai singulier sur l’art de composer et la place de la musique dans notre vie : Gilbert ou la musique, du chanteur Xavier Plumas. Émouvant, sensible…
J’aime beaucoup aussi le livre dont est extraite cette réjouissante citation :
« (…) La chanson n’est pas une secte protégée par un dogme à guitare et moustache, qui chaque année cueille le gui à Vaison-la-Romaine ou s’enferme pour une semaine de méditation à Barjac. (…) », page 124.
La chanson de proximité, Michel Trihoreau, éd. L’Harmattan.
Je viens de le lire. Effectivement, fort intéressant !