Réflexion faite, parler de chansons n’est pas une chose facile, peut-être pour la simple raison qu’elles ne sont pas faites pour ça, et que les écouter suffit sans doute à leur bonheur et au nôtre.
Mais la véritable raison se trouve plus sûrement dans le rapport affectif que nous entretenons avec certaines d’entre elles, surtout celles qui nous ont enthousiasmés pendant notre jeunesse. On dirait que ces chansons-là et leurs auteurs accompagnent notre vie, elles font partie de notre paysage affectif.
Il nous est difficile de parler d’elles autrement que sur un ton amoureux, et il nous plaît de les imaginer d’une essence supérieure, qui résiste à l’analyse, qu’elle soit musicale, historique ou sociologique.
D’une manière générale, il ne nous plaît pas beaucoup que les œuvres d’art que nous aimons soient disséquées et analysées, ramenées à leur contexte d’origine, il nous semble toujours que c’est une manière de les réduire et de passer à côté de ce qui à nos yeux en constitue l’essentiel : les émotions qu’elles nous procurent. Essayer de dévoiler un peu de leur vérité, c’est commettre un sacrilège.
« Nos » chansons sont sacrées aussi, nous aimons les chérir. Qu’elles soient liées à un souvenir émouvant ou que le timbre des voix qui les chante nous touche particulièrement, que tel mot, telles notes ou telle inflexion fassent mouche, elles nous habitent et chantent en nous en sourdine, tout le temps, à notre insu.
Au long de la vie, nous en accueillons de nouvelles, avec parcimonie, qui viennent doucement prendre leur place dans le paysage. Elles se joignent aux autres pour nous accompagner, et elles nous accompagneront jusqu’à tard, à nos derniers silences, du moins est-il plaisant de l’imaginer ainsi.
Réflexion faite, je viens de parler de chansons, comme un amoureux transi, et finalement je n’ai pas dit grand-chose.
Non, ça n’est pas facile de parler chanson.
Pierre Delorme
Bien d’accord pour dire qu’il n’est pas aisé de causer de chansons, en sortant des confidences, pour donner une perspective plus large…
Par contre, je ne crois pas que ce soit associé à notre jeunesse. Moi, à 38 ans, je découvre chaque année des chansons – vieilles ou à peine nées – qui me bouleversent. Des artistes nouveaux viennent côtoyer mes anciennes amours sans bisbille – pas que je sache en tout cas.
Ce qui est peut-être plus juste, c’est que souvent nos disques préférés d’un chanteur sont ceux par lesquels nous les avons découverts et aimés. Par la suite, on en apprécie certains, mais rarement avec la même fougue…